Le droit constitutionnel français est une affaire sérieuse, traitée par des gens très sérieux, mais qui laisse parfois songeur. La Déclaration des droits de l'Homme et du citoyen de 1789, adoptée par l’Assemblée nationale le 26 août 1789, est intégrée au préambule de la constitution de la 5ème République, elle fait donc partie de la constitution qui fonde nos lois.
C’est au nom de cette sublime Déclaration que la conseillère municipale de Paris, Nathalie Kosciusko-Morizet (Ump), attaque un recours juridique contre un vote qui lui a été favorable. Résumons : la maire de Paris, Anne Hidalgo (Ps), soutient la construction d’un gratte-ciel dans le 15e arrondissement, dit tour Triangle. Le 17 novembre 2014, un vote du Conseil de Paris rejette le projet, suite à une alliance de circonstance des Verts et de la droite. Les socialistes estiment que le secret du scrutin n’a pas été respecté, certains élus de droite ayant surveillé le vote de leurs collègues soupçonnés de vouloir du bâtiment, malgré les consignes Ump. Le tribunal administratif devrait trancher ce litige. Mais, avant qu’il le fasse, le conseil constitutionnel devra se prononcer sur un recours de la vice-présidente de l’Ump qui conteste le droit à un scrutin secret, au nom de l’article 15 de la Déclaration des droits de l'Homme et du citoyen.
Cet article est le suivant : « Art. 15. La Société a le droit de demander compte à tout Agent public de son administration. »
Par une décision rendue du 30 mars 2015, le Conseil d’État a décidé de renvoyer la question au Conseil constitutionnel, rappelant dans un communiqué qu’il « ne s’est pas prononcé sur le caractère sérieux de la QPC mais a estimé que celle-ci soulevait une question nouvelle, sur la portée de l’article 15 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen ».
La portée juridique de la Déclaration de 1789 pose un intéressant problème, au regard des débats sur la laïcité. En effet, le préambule dudit texte contient cette phrase : « l'Assemblée Nationale reconnaît et déclare, en présence et sous les auspices de l'Être suprême, les droits suivants de l'Homme et du Citoyen. »
C’est donc non seulement l’existence mais la présence de l'Être suprême qui a valeur constitutionnelle. Une décision qui serait prise « en son absence » (in abstentio) serait donc sans valeur. Une QPC (question préjudicielle de constitutionnalité) viendra-t-elle un jour vérifier la présence de l'Être suprême dans les étages de la tour Triangle ?