Je reprends ici un dossier publié par Grandes Villes Hebdo (N° 793 - 23 avril 2009), publication de l’Association des maires des grandes villes de France, qui fait le point sur le dossier des antennes relais de téléphonie mobile et en rappelle les enjeux. J’ai déjà parlé des enjeux locaux autour de cette question, qui a agité la chronique du quartier de Polangis à Joinville-le-Pont notamment. Mais il me semble important de donner ici cet éclairage plus complet sur le sujet.
Pour déployer la téléphonie mobile de troisième génération (UMTS), faire place à un quatrième opérateur, comme pour déployer la TNT, la technologie Wimax ou la télévision mobile personnelle, les opérateurs sont à la recherche de toujours plus de « points hauts » pour installer leurs antennes. L’absence de mutualisation des points hauts - sauf pour ceux qui sont fournis par des collectivités - multiplie en outre le problème par le nombre d’opérateurs.
L’implantation de nouvelles antennes tend à devenir chaque année plus problématique du fait des réticences des riverains, parfois très influencés par des associations telles que « Robin des Toits » ou « Priartem » (Pour une Réglementation des Implantations d’Antennes Relais de Téléphonie Mobile) ; cette dernière association a un adhérent joinvillais, l’Association pour la sauvegarde de l’environnement de Polangis et du quai de la Marne (Asep).
Les craintes des riverains se focalisent sur les effets potentiels des ondes des antennes relais sur la santé. Si les grandes institutions sanitaires - comme l’OMS ou l’AFSSET - estiment que les ondes des antennes relais sont inoffensives pour la santé humaine, quelques études récentes (contestées) tendraient à entamer cette unanimité. Les associations estiment que pour éviter tout risque sanitaire, il faut réduire les niveaux d’émission des antennes relais, comme l’ont fait un certain nombre de pays européens.
Les villes sont donc toutes aujourd’hui face à un dilemme :
- faciliter le travail des opérateurs (qui ont des obligations de couverture fixées par la loi) pour répondre aux souhaits des utilisateurs de bénéficier de services mobiles de qualité ;
- prendre en compte les préoccupations des habitants qui ne se satisfont pas des réponses apportées : l’information des riverains est généralement pilotée par les opérateurs, telles les mesures de champs et la majorité des études.
Jusqu’à la décision, le 4 février 2009, de la Cour d’appel de Versailles d’exiger le démontage d’une antenne relais (de Bouygues Télécom) à Tassin-la-Demi-Lune (Rhône), tant les tribunaux civils qu’administratifs avaient toujours rejeté, en appel, l’argument du principe de précaution pour les antennes relais. Les arrêtés des maires exigeant des distances minimales d’implantation des antennes par rapport à des lieux sensibles (hôpitaux, écoles, etc.) ont tous été annulés. Selon le Conseil d’État, un maire ne peut s’opposer à l’implantation d’une antenne pour un motif sanitaire.
La décision du tribunal de Versailles peut cependant ouvrir la voie à une multiplication des contentieux : il y a 45 000 antennes en France.
Or, après cette décision de la Cour d’appel de Versailles, sont notamment intervenues récemment celle du Tribunal de grande instance de Carpentras, prescrivant le démontage d’une antenne (SFR) à Châteauneuf-du-Pape (Vaucluse) et celle du Tribunal de grande instance d’Angers qui a fait droit, dans une décision du 5 mars, à la demande des habitants d’une commune du Maine-et-Loire, Notre-Dame-d’Allençon.
Ces derniers contestaient l’installation d’une antenne de téléphonie mobile (Orange) dans le clocher de l’église, au motif de la proximité, moins de cinquante mètres, de l’école maternelle et primaire. Le tribunal a décidé d’interdire cette installation en retenant «qu’il y a un risque sanitaire pour les populations riveraines» et en s’appuyant sur un rapport de la direction générale de la Santé, qui indique: «Il est préférable de réduire au minimun le niveau d’exposition des personnes potentiellement sensibles telles que les enfants ou certaines personnes malades».
Dans ces trois cas, la justice s’est prononcée en faveur des demandes des habitants relatives aux effets sur la santé, au nom du principe de précaution.
Or, c’est précisément cette application que conteste… l’Académie de médecine ! Cette dernière a, en effet, publié le 4 mars un communiqué dans lequel elle renouvelle sa «mise en garde contre une interprétation subjective du principe de précaution» et recommande «que ce soit au législateur de préciser les modalités de son application, en particulier en ce qui concerne le développement des nouvelles technologies».
L’Académie de médecine rappelle notamment que :
- les antennes de téléphonie mobile «entraînent une exposition aux champs électromagnétiques 100 à 100 000 fois plus faible que les téléphones portables: être exposé pendant 24 heures à une antenne à 1 volt par mètre donne la même exposition de la tête que de téléphoner avec un portable pendant 30 secondes» ;
- «on ne connaît aucun mécanisme par lequel les champs électromagnétiques dans cette gamme d’énergie et de fréquence pourraient avoir un effet négatif sur la santé» ;
- l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS), notamment, s’est prononcée sur l’absence de risque de ces antennes.
Soulignant que les téléphones mobiles, et donc les antennes, permettent de sauver chaque année des centaines de vies humaines, l’Académie s’étonne « qu’une décision de justice ait pu ne retenir, parmi l’ensemble des études disponibles sur le sujet, que celles allant dans le sens du plaignant ». Elle s’étonne également que l’arrêt de la Cour d’appel de Versailles ait pu s’appuyer « sur une erreur scientifique manifeste » en prenant en compte le « risque démontré » de champs d’extrêmement basse fréquence émis par ces antennes. Or, dans la réalité, précise l’Académie, « d’une part, les antennes de téléphonie mobile émettent exclusivement en haute fréquence ; d’autre part, le risque d’exposition aux champs d’extrêmement basses fréquences n’est pas considéré par le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC) comme démontré».