À Saint Maur des Fossés, dans le quartier de la Varenne, il y avait un orphelinat (Beiss Yessoïmim) 30, rue Saint-Hilaire et une pension d'enfants juifs, la pension Zysman, 57, rue Geoges Clemenceau. Dans la nuit du 21 au 22 juillet 1944, sur l'ordre du capitaine SS Aloïs Brunner, 28 orphelins y furent arrêtés en compagnie de 6 membres du personnel. En région parisienne, 250 enfants sont arrêtés ce jour-là.
Les enfants âgés de 4 à 11 ans, furent mis dans des autobus, puis conduits à Drancy (aujourd’hui en Seine Saint-Denis). Une internée, Andrée Warlin, raconte, l'arrivée et le séjour des enfants (l'Impossible Oubli, La pensée Universelle; 1980).
« Par une nuit claire, étoilée, nous distinguons de loin, le bruit des autobus qui se succèdent à une cadence rapprochée, les coups de sifflet annonçant les arrivées. Les autobus arrivent les uns après les autres. Nous ne voyons pas tout de suite les nouveaux arrivants. Mais bientôt, à notre effroi indescriptible, nous entendons les voix pétillantes et jacassant de petits enfants tout seuls sans père ni mère. Il y en a de tout petits de deux ans qui traînent leur misérable baluchon. Ils pleurent. Ils n'ont pas eu le temps de s'habiller, on les a arrachés de leur lit, les bousculant. (…)
« Le lendemain, disciplinés, sages, ayant l'habitude d'obéir, de souffrir, ils vont tous en rang au réfectoire, tenant dans leurs petites mains des bols trop grands, et jouant avec leurs cuillères. Ceux de cinq ans s'occupent de ceux de trois ans. Du reste, ils sont mûrs et savent s'adapter. Ils connaissent la vie, la persécution, la souffrance. Ils ont été séparés de leurs parents, le plus souvent déjà déportés, la plupart lors de la rafle du Vel'd'Hiv. Ils savent qu'ils sont juifs, c'est même la seule chose qu'ils savent, ignorant souvent jusqu'à leur nom. Ils savent qu'ils sont en danger, ayant entendu parler depuis leur naissance des camps de la déportation. Tout petits, ils ont l'instinct de conservation comme des petits animaux. Ils essaient de fuir le danger. On en retrouve un dans une niche de chien. "Je veux être un chien", dit-il "puisque les chiens ne sont pas déportés". »
Ils restèrent dans ce camp de transit de la région parisienne avant d'être acheminés le 31 juillet 1944, dans des wagons à bestiaux, 60 par wagons, par le convoi n°77 vers Auschwitz (aujourd’hui en Pologne, sous contrôle allemand à l’époque).
Le convoi comprenait 1300 personnes, dont 270 enfants et adolescents de moins de 18 ans
Un témoin, Denise Holstein, raconte le voyage (brochure "Louveciennes se souvient des enfants juifs", 1990) « La première journée ne fut pas trop terrible, mais le soir, lorsqu'il fallait coucher tous les enfants dans le noir, les cris commencèrent, nous ne pûmes pas dormir une seule minute: les enfants avaient chaud, ils avaient soif, et l'air venait à manquer, les ouvertures étant toutes petites… malgré tout, le moral était bon, il le fallait, nous avions les enfants, et nous n'avions pas à nous lamenter. Nous chantions des chants de route et d'espoir. Le voyage dura deux jours et demi et ce fut le commencement de la souffrance… Nous ne pouvions plus rien avaler, nous avions si soif ! »
A leur descente, ils furent immédiatement envoyés à la chambre à gaz. Aucun d’entre eux ne revint.
De 1942 à 1944, en France, 11 000 enfants juifs subirent le même sort. Dans le même temps, 70 000 survécurent grâce à la solidarité et à l'aide d'hommes et de femmes qui s'opposèrent courageusement à ces crimes contre l'humanité.
Les éditions l'Harmattan, ont publié en 2004 un livre du Groupe Saint-Maurien Contre L'Oubli Les Orphelins de la Varenne, 1941 – 1944. Une sculpture, réalisée par Pierre Lagénie, sert de mémorial depuis l’an 2000.
De ces enfants il ne reste rien
Qu'un nom sur une plaque,
Une sépulture dans nos mémoires.